C’est l’hiver. Lente marée lumineuse, le jour est bas et c’est la nuit qui est haute, qui ne veut pas se retirer. C’est la nuit, et le froid, et la grisaille.
Il y a d’abord l’hiver à vingt, vingt personnes. On se retrouve, on se serre sur le banc. Les voix ricochent pour se réchauffer. On fait le plein, le plein de vie, le plein de vivres. C’est l’effusion, on nargue le temps. Il y a des petits gestes qui sont de grands gestes, et il y a des grands gestes qui ne veulent rien dire. On décore un sapin, les papiers colorés volent, on jette un sapin. Dehors le vent s’aiguise sur les pierres de taille. Les feuilles sont tombées, ce sont les arbres qui tombent.
Il y a l’hiver à vingt, vingt personnes, vingt et puis personne. L’hiver solitaire.
On ne découpe plus les journaux, on coupe la radio, même la musique s’oxyde. On a attrapé la crève des confiseurs. On s’habitue à la pesanteur. On prend un bouquin, on le repose, on hésite, on le reprend et on s’endort.
On se sent au bord du monde, comme le film documentaire du même nom, films sur les sdf de paris. On pense à l’oubli, à la dignité, et puis on oublie, comme tout le reste. On regarde sa couette avec plus de gratitude.
Les violons de l’automne sont rangés, restent les langueurs monotones. C’est l’hiver laine. On enfile sa cote de maille et on ramène des branches, des branches pour un nid. On ramène les genoux et on regarde la bûche flamber.
L’hiver on se concentre sur l’essentiel. Ce qui n’est pas important est dérisoire. C’est un cycle, l’hiver est nonchalant, il est décroissant. On se replie dans sa coquille de noix. On se laisse voguer, on sait que la neige fondra, que les ciels chaleureux reviendront. Rien de secret, tout se transforme.
Dans le nid, bébé mange, bébé dort, bébé joue. Il grandit, il ne connait pas encore le sacre du printemps.
Il y a de la sérénité sous le dénuement.
C’est l’hiver à moitié vide ou l’hiver à moitié plein.
La chronqiue de Nicolas Mignerey
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