Le chat de Schrödinger #6 mai 2016

Aujourd’hui, difficile de rester dans l’ignorance dès lors qu’on a un smartphone ou une tablette au bout des doigts… Un phénomène à décrypter ? Une définition à préciser ? Quasi-instantanément, Google livre une avalanche d’informations sur votre petit écran. Reste à les éplucher, piocher des éléments par-ci par-là, les mettre dans l’ordre pour concocter la réponse sur l’objet de votre curiosité.

Sur le net, j’ai réalisé un tri rapide de ce qui se raconte sur une icône de la physique quantique : le chat de Schrödinger. Une icône qui a vu le jour dans une période des plus effervescentes de la physique. Une icône également très conceptuelle… Car si Schrödinger a bel et bien été l’un des plus grands physiciens théoriciens du XXème siècle, prix Nobel de physique en 1933, son chat, lui, n’a jamais existé, ni vivant, ni mort, ni mort-vivant…

Bon, revenons au début du XXème siècle, dans les années 1920. Les physiciens comprennent que les atomes, minuscules grains de matière découverts quelques années plus tôt, n’obéissent pas aux lois de la physique classique.

Autrement dit, prenez une pomme à bout de bras et lâchez la : pas de surprise, elle tombe. Cette chute est parfaitement prévisible et décrite depuis la fin du XVIIème siècle par les lois de la physique classique, plus précisément celles de la gravité, établies par Sir Isaac Newton. Maintenant, rejouons la même scène avec une pomme atomique, c’est-à-dire de la taille d’un atome. Et bien fini les certitudes. A cette échelle, la pomme pourrait tomber, mais tout aussi bien rester suspendue au-dessus du sol et tomber à un moment qui ne peut se calculer qu’en termes de probabilités…

Pourquoi l’atome, bout de matière, ne répond pas aux lois de la physique classique comme n’importe quel objet ?

Les atomes n’ont pas d’équivalent dans notre monde macroscopique. Ce sont des objets totalement étranges pour nous. Imaginez, ils ont un diamètre d’un dixième de milliardième de mètre, soit un dixième de nanomètre, avec, en périphérie, des électrons continuellement en mouvement, au centre, un noyau 100 000 fois plus petit, et entre, du vide… Il existe bien des représentations d’atome, mais elles sont extrêmement schématiques, avec leur noyau bien rond, et des électrons tournant sagement sur leur orbite. De plus, leur minuscule noyau est un assemblage d’éléments, les protons et les neutrons, eux même constitués des fameuses particules élémentaires… Certains atomes se transforment en émettant des rayonnements, ils sont dits radioactifs. On peut les casser, leur arracher des électrons… Bref, les atomes ont leur propre univers, un monde qui ni ne ressemble au notre, ni ne fonctionne comme lui.

Comment les physiciens ont-ils compris que le monde de l’infiniment petit est radicalement différent du nôtre ?

Leur exploration est toujours en cours ! Entre la fin du XIXème siècle et les années 1920, des savants découvrent des éléments constitutifs des atomes, comme les électrons par Ernest Rutherford, observent des phénomènes qui ne s’inscrivent pas dans la physique classique, telle que la radioactivité par Marie Curie, vérifient expérimentalement des théories d’Albert Einstein, comme l’existence des photons par Arthur Compton ou encore le mouvement brownien par Jean Perrin. S’ouvre alors une période révolutionnaire et des plus fertiles pour les physiciens. Il s’agit pour eux de d’inventer une nouvelle physique, celle de l’infiniment petit : la physique quantique. Ils conçoivent des lois qui s’appuient sur des fonctions mathématiques complexes qui donnent la probabilité qu’un évènement se réalise, évènement caractérisé par un ensemble de nombre : position d’un atome, quantité de mouvements d’un électron, émission d’un rayonnement radioactif, etc… Et oui, ce n’est pas simple, mais afin de nous ôter tout complexe, rappelons que les pères de la physique quantique ont quasiment tous reçu un prix Nobel de physique au cours de la première moitié du XXème siècle.

Bon, et le chat de Schrödinger dans tout ça ?

On y vient, mais il faut avoir en tête le contexte de la naissance, enfin, de la conception de ce chat. Une période donc pleine de bouleversements, où les plus grands physiciens théoriciens doivent penser la matière autrement, proposer des théories audacieuses. Et si globalement, les grands esprits se rencontrent pour définir les arcanes de l’infiniment petit, ils ont néanmoins certains points de désaccord. D’un côté, il y a l’interprétation dite de Copenhague, proposée notamment par les Nobels Niels Bohr, Werner Heisenberg, Max Born. Selon cette interprétation, les entités quantiques, électrons, photons et compagnie, ou un phénomène quantique, peuvent se trouver dans une superposition d’états mais seul l’état qui sera mesuré sera réél, comme dans le monde macroscopique. De l’autre côté, un autre groupe de Nobels, qui compte notre fameux Erwin Schrödinger mais aussi Albert Einstein, Max Planck et Louis De Broglie, contestent cette interprétation et proposent une description objective des choses quantiques, sans faire appel au hasard ni au rôle de l’observateur, qui décide du moment de la mesure. Si à un instant donné, une balle de tennis ne peut être qu’à un seul endroit, un électron, lui, a la probabilité A d’être ici, la probabilité B d’être là, et la probabilité C d’être un peu plus loin. Autrement dit, mathématiquement parlant, à un instant donné, l’électron se trouve aux trois instants en même temps dans une superposition d’états. Et pour la bande à Schrödinger, tout objet ou phénomène quantique existe dans une superposition d’états indépendants de toute observation. Pour eux, appliquer une règle du monde macroscopique à un objet quantique, ou vice et versa, une règle du monde quantique à un objet macroscopique n’a pas de sens. Pour illustrer la faillite de l’interprétation de Copenhague, Schrödinger conçu un exercice de la pensée mettant en scène un chat enfermé dans une boite contenant un atome radioactif qui a 50% de se désintégrer au bout d’une heure, un compteur Geiger et une fiole enfermant un poison mortel. Lorsque l’atome se désintègre, il émet un rayonnement détecté par le compteur, qui actionne un marteau qui casse la fiole : le poison se libère, le chat meurt.

Schrödinger avait-il quelque chose contre les chats ? ! ?

Que les choses soient claires. D’une part, il s’agit d’un exercice de la pensée, c’est-à-dire d’une expérience qu’on peut imaginer mais qu’on ne peut pas réaliser pour des raisons physiques ou éthiques. D’autre part, une souris ou un crocodile auraient pu faire l’affaire, voire même Ervin lui-même s’enfermant dans un tonneau avec tout son matériel… Revenons au chat de Schrödinger. Au bout d’une heure, si on n’ouvre pas la boite, on ne peut pas savoir si le chat est vivant ou mort, et donc, selon la physique quantique, à l’instar d’un électron qui est ici et là en même temps, le chat serait dans ces deux états superposés. Or dans notre monde, il serait bel bien l’un ou l’autre, soit vivant, soit mort.

Quelle drôle d’idée cette expérience…

D’autant plus drôle que pour l’anecdote, Schrödinger vivait avec deux femmes en même temps, d’où probablement son intérêt pour les situations superposées, et cet exercice de la pensée où on pourrait l’imaginer en train de se dire ‘’j’ai une femme et une maitresse, mais quand je rentre dans une chambre, avant d’ouvrir la porte, je ne sais pas si je vais trouver une femme, l’autre, les deux ou aucune…’’

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